mardi 29 juillet 2008

T comme Taureau

Bon, prenons donc le Taureau par les cornes ! ;o)

En ces temps de vaches maigres pour les infos et de congés pour les journalistes, le journal Sud-Ouest a choisi, depuis plusieurs étés d’ailleurs, d’imposer à TOUS ses lecteurs, tous les jours, sur plusieurs pages, des photos un peu particulières:


On y voit un animal, un Taureau, (toujours différent puisqu’il est abattu juste après), à qui on a enfoncé plusieurs pieux de fer épais d’un pouce dans l’échine, dégoulinant de sang et de souffrance
On y voit, parfois, un Homme tuer cet animal sous les yeux du public

On y montre, parfois, le même Homme brandir triomphalement une, 2 oreilles et plus rarement la queue, trophées sanguinolents qu’il a prélevés sur le cadavre selon que son “travail” pour la mise à mort a été jugé plus ou moins “bien” fait

On y montre , parfois, un public hurlant...
Moi, ces photos, me mettent au bord de la nausée. Je suppose que d’autres lecteurs ne comprennent pas plus la torture et la mort des Taureaux mises en scène pour le “plaisir”... Comment un journal grand public peut-il s’autoriser à les publier avec tant de complaisance ?
Faut-il croire que la souffrance et la mort font monter les tirages ???


Et ne vous y trompez pas. Cela ne se passe pas dans quelque pays “attardé”, “primitif”, où les gens se passionnent pour combats de Coqs ou combats de Chiens, au cours desquels des fortunes se font et se défont, et que du haut de nos millénaires de civilisation bien-pensante, nous réprouvons évidemment et que nous avons fini par interdire chez nous (il n’y a pas si longtemps, d’ailleurs)
Non, non. Cela se passe dans un pays européen, patrie des droits de l’Homme, qui a inscrit dans sa législation les Droits des Animaux, qui punit de peines de prison les faits de torture sur animaux domestiques, qui détourne des autoroutes pour sauver des Ecrevisses à pattes blanches ou des Visons d’Europe... Bref, sensé être “civilisé”... et ce même pays importe de l’étranger des Taureaux pour les mettre à mort dans des abattoirs ouverts au public, après un cérémonial codifié pendant lequel on se demande où est passé l’état de droit ...

Là, j’avoue ma perplexité devant ces contradictions qui, pour moi, restent inintelligibles ...

Mon Bestiaire étant, certes, Nostalgique, mais résolument positif, je vais y mettre un animal mythique, élevé en liberté non pas pour être tué mais pour, par sa vaillance, valoriser le courage et l’adresse des Humains. Il s’agit, bien sûr, du Taureau de Camargue, symbole, avec les Chevaux blancs et les Flamants roses de cette terre où l’eau et le ciel se mêlent à l’infini.

Mais avant, qu'en pense la Ligue Française des Droits de l'Animal ?


Elle tient à souligner la différence qu'elle fait entre la corrida à l'espagnole (ou apparentée) et les courses provençales ou landaises.

Il est indéniable que les animaux, et les Taureaux cocardiers notamment, bénéficient d'attentions et d'un respect particuliers. Ces courses étant dépourvues d'actes de cruauté ou de sévices graves, et dépourvues même de mauvais traitements, elles ne sont concernées ni par l'article 453, ni même par l'article R38-12.
Malgré que l'animal y soit un objet de distraction pour l'Homme (Déclaration Universelle des Droits de l'Animal, Article 10 voir Annexes), et malgré les accidents traumatiques dont l'animal peut parfois être victime, la Ligue Française des Droits de l'Animal considère que les courses landaises et provençales sont acceptables du point de vue de l'animal et de ses droits.

La Ligue des Droits de l'Animal souhaite que le grand public, généralement mal informé, comprenne la différence qui existe entre ces courses et les corridas, qui comportent, elles, les actes de cruauté que sont coups de piques, poses de banderilles, et mise à mort à l'épée. Elle demande que les pouvoirs publics et les organes d'information fassent une telle distinction.
De son côté, la course camarguaise doit veiller à ne pas se confondre, et être confondue avec la corrida. Manadiers et raseteurs ont un intérêt majeur à conserver rigoureusement pure la tradition de la course.


Enfin, il faut rappeler que la course landaise a été reconnue sport français le 18 septembre 1973

(photo Lelandais)

qualité attribuée à la course camarguaise le 25 novembre 1975.


Ces courses font indéniablement partie des cultures provençale, languedocienne et aquitaine.


Dans l'éventualité où une aide de l'Etat à la "tauromachie" serait envisagée, notamment sur le plan fiscal, cette aide ne saurait être accordée qu'à ces courses, dont le caractère traditionnel français a été reconnu.
De plus, loin de provoquer des sorties de devises (et leur accroissement), ces courses ne peuvent que favoriser l'élevage français, un des rares échappant encore à l'élevage artificiel "en batterie", avec des conséquences socio-économiques directes, dans le cadre de la régionalisation et du développement des régions.
(6 octobre 1981)
Le Taureau “Camargue” (Bos primigenius ???)

“La présence de bovidés en Camargue semble remonter à la plus haute antiquité et se confondre avec la formation même de la Camargue géologique.
Des témoignages irrécusables, des crânes encore ornés de leurs grandes cornes verticales en forme de lyre et de nombreux ossements de bovidés appartenant à cette famille ont été trouvés à Solutré mêlés aux squelettes du Cheval quaternaire ce qui prouve que cette espèce hantait déjà les forêts de la Gaule il y a de nombreux millénaires.

C'est le "Bos primigenius" des préhistoriens : il vivait à l'époque glaciaire dans les bassins de la Saône et du Rhône en compagnie du Cheval. De grands cataclysmes terrestres à la fin de cette période bouleversèrent la face de l'Europe ; les climats se réchauffèrent et les conditions de vie des animaux furent complètement changées
Fuyant devant l'hostilité de la nature et des Hommes, de repaire en repaire et d'époque en époque a travers les siècles et les millénaires, ils ont suivi le cours du Rhône et d'abord répandus dans les immenses marécages de la Provence et du Bas-Languedoc, ils ont fini par se cantonner vers les rivages de la mer et principalement dans le delta du Rhône, la Camargue, où règne encore le silence des premiers âges, où la vase des marais, le voile épais des roselières, peuvent leur faire croire que les temps préhistoriques. ne sont pas finis »,

Là, les Hommes les ont rejoint, et les ont élevé, pour les labours et pour leur viande. C’est vers la fin du XiXe siècle que les éleveurs de Taureaux prennent conscience de l'importance de la race de Taureau "Camargue" et ont pensé que sa morphologie et sa combativité le prédisposaient plutôt à la course, qu'au travail ou à la production de viande. Les populations alentour avaient d’ailleurs tendance spontanément à se mesurer à ces Taureaux lors de la venue de la manade aux marchés.
Peu à peu, le jeu s’organise. On fixe des “attributs” sur les cornes du Taureau (fleurs, foulards, cocardes tricolores aux couleurs de la manade, parfois même saucissons ou autres victuailles) destinés à être enlevés par les jeunes amateurs ou “raseteurs”.
Puis, dans de petites arènes de fortune (les plans) délimitées par des charrettes, on voit s'affronter des Taureaux de grande qualité et des Hommes passés maîtres dans l'art du raset.
Un règlement s’établit peu à peu pour aboutir à la “course camarguaise” telle qu’on la connaît aujourd’hui.


Contrairement à ce qui se passe dans la corrida, pas question ici de maltraiter physiquement le Taureau qui est une star, au même titre que les raseteurs. Néanmoins, si jamais l'animal est blessé à cause d'un coup de crochet mal ajusté du raseteur ou d'une mauvaise réception dans un coup de barrière, les raseteurs font signe à la présidence
qui ordonne la suspension de toute action; le manadier vient alors en contre-piste pour juger de la blessure de son animal, et décider s'il poursuit la course ou non.

Encore plus incroyable pour les amateurs de corrida: un Taureau renommé, sera enterré après sa mort naturelle et sa tombe signalée !!! Ainsi, le Taureau appelé "Le Sanglier"



Il arrive même qu’on lui é
crive des poèmes , comme dans l'
hommage à Goya, Taureau de Camargue


ça fait rêver, non ?



Citations et proverbes

"Un pays qui n'ose pas interdire la chasse à courre, les combats de coqs ou les courses de taureaux a-t-il le droit de se prétendre civilisé? On peut en douter."
(Théodore Monod)
"Courses de taureaux: Qu'on tue quelqu'un parce qu'il est en colère, c'est bien; mais qu'on mette en colère quelqu'un pour le tuer, cela est absolument criminel."
(André Gide)

"Tout est physique dans toutes les espèces : ce n'est pas le boeuf qui combat, c'est le taureau."
(Voltaire)
"La vache n'est pas la femelle du boeuf. La vache est la femelle du taureau. La femelle du boeuf, c'est la charrue."

(François Cavanna)



Un redoutable fauve, le Taureau cocardier ???

"Les coups de corne de la génisse ne font pas de mal au taureau
"
(Proverbe basque)

"Parler de taureaux, ce n'est pas comme être dans l'arène."

(Proverbe espagnol)

"Le taureau des gens de son village est le petit poisson d'un village étranger."

(Proverbe peul)

"Berger sans taureau finira sans troupeau."

(Proverbe sénégalais)


Poète et Poésie

(extraits de la traduction d’un poème écrit en provençal)



Le Taureau

Lorsque la nuit profonde est venue,
lorsque, seul, le renard court la campagne,
lorsque, sur la Costière ,
là-haut, l'une après l'autre,

se sont éteintes les lumières,
on dit que de lents craquements se font entendre dans les touffes de tamaris,
du côté des Iscles, au bord des marais.


Du pays où nulle empreinte
d'homme ni de cheval ne fut jamais gravée,
du désert humide de fondrières et de roseaux,
de fanges et de fourrés,
sort un taureau fabuleux, pataugeant dans l'eau blafarde,

tout noir sur l'obscurité du ciel.


« Je suis le Taureau qui, depuis l'Asie

jusqu'aux forêts de Ligurie,

a régné par la Joie, par l'Art et par le Sang

sur les peuples méditerranéens.
Mon image orna les temples d'Assyrie.
J'ai donné ma force aux Romains.


« Je suis Apis, je suis le Minotaure,
je suis le Souffle que nul ne peut enclore,
moi qui aime être enfermé dans le cercle de vos chevaux,
le Souffle que le Créateur a répandu
pour que la Forme vive.
J'ai connu les Centaures,
et j'ai été le dieu Mithra,

L'Homme, quand il errait librement,
sans frontières et sans entraves,

dans les plaines du Rhône et sur les rivages de la mer,
m'immolait sur mon propre autel.
Comme aujourd'hui, il m'adorait et me persécutait ;

et je le nourrissais de ma chair.


Folco de Baroncelli-Javon

(Lors du transfert de ses cendres aux Saintes, en 1951, alors que le convoi funèbre longeait les prés, les taureaux de son ancienne et prestigieuse manade se regroupèrent et suivirent lentement le cortège, comme accompagnant leur maître une dernière fois. Les gens présents en parlent encore avec une indescriptible émotion. Ainsi vivent la Camargue et la mémoire du marquis, son plus fidèle amoureux.)

Dans Bestiaire sans oubli


“Pour moi, aucune des corridas auxquelles j’ai assisté ne m’a laissé oublier une seconde que l’animal superbe qui bondit hors des ténèbres du chiquero, s’arrête soudain, seul au milieu de l’arène ensoleillée, dresse la tête et cherche des yeux l’adversaire qu’il va défier, est un animal condamné. Il lui reste vingt minutes à vivre.

Je sais, le règlement l’affirme: qu’un matador méfiant ou inquiet n’ait pas estoqué sa bête dix minutes après avoir pris la muleta et l’épée, il reçoit un premier aviso signifié par un coup du clairon; après treize minutes, un second; au troisième, le quart d’heure écoulé, le taureau a la vie sauve: les placides boeufs mansos le ramènent, docile, au corral. Mais jamais je n’ai eu la chance d’assister à pareille scène.
Ce que j’ai vu, deux fois sur trois, après une estocade manquée, l’épée encore plantée à mi-longueur ou projetée hors du garrot par une secousse terrible de l’encolure, c’est le matador revenant sur la bête avec l’épée du descabello et la tuant, à bout de bras, d’un coup qui lui sectionne la moelle.


J’ai vu aussi, une fois, accorder le tour d’honneur à un taureau entre tous vaillant. Mais c’était un honneur posthume, et c’était son cadavre que les mules traînaient, sonnaillantes, autour de l’arène désertée...

Progressivement la corrida est devenue une entreprise commerciale. Je ne puis qu’en croire l’un des plus prestigieux matadors qui aient jamais combattu dans l’arène, Juan Belmonte. “Aujourd’hui, dit Belmonte, les taureaux de combat sont devenus un produit, une réalisation industrielle standardisée, comme les parfums ou les automobiles. On fabrique un taureau exactement comme les publics le désirent”.
Maurice Genevoix.

Dico

LE TAUREAU: mâle de l’espèce bovine. Le taureau doit présenter les caractères bien marqués et très purs de la race à laquelle il appartient et que l’on veut propager par son moyen.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Ben dis donc!
Ca, c'est de la belle ouvrage!
J'en reste coite---ou quasi coite!
Si ça donne des idées à certains et certaines, manif pour l'abolition ce samedi 2 Août à Bayonne (après-midi) et le 16 Août à Dax, dès dix heures du matin.
Kolova, j'enregistre cet article, c trobo.

Anonyme a dit…

La réponse a:"Là, j’avoue ma perplexité devant ces contradictions qui, pour moi, restent inintelligibles ..."est celle de M. Genevoix:
"Progressivement la corrida est devenue une entreprise commerciale... les taureaux de combat sont devenus un produit, une réalisation industrielle standardisée, comme les parfums ou les automobiles. On fabrique un taureau exactement comme les publics le désirent”.
Maurice Genevoix.
A cela il faut ajouter que ces taureaux sont (et doivent) être consommés comme n'importe quel produit non durable, d'ou le relatif insuccés (sauf régionalisme basquo/landais) de la course landaise, ou provençale; le fric, toujours...

Kolova a dit…

je le dis comme je le pense !
;o)

Il faut dire que j'ai toujours été fascinée par la Camargue en général et par la façon dont bêtes et gens ont réussi à vivre ensemble.

J'ai eu la chance de voir une cours camargaise. Je vais de temps en temps aux courses landaise. Je suis époustouflée par le courage et l'adresse des Hommes, et comme, souvent, les Vachettes jouent leur rôle avec talent!

Si on pouvait en rester à ces traditions dans notre Sud au sens large !

Dans son bestiaire, Maurice Genevoix précise que pour la saison 58+59, dix mille (10 000) taureaux ont ainsi été mis à mort... Maintenat, je ne sais pas.