dimanche 6 juillet 2008

L comme Lapin

Petit Lapin, je t’ai vu ce matin qui musardait dans mon jardin nez frémissant et houppette au vent.
Si des Humains de cette maison tu n’as rien à craindre, prends garde aux Chiens, jeune étourdi!... et surtout à notre blanche Vahiny, pour qui courir est un bonheur. Je sais que déjà, tu l’as distancée bien des fois, c'est devenu un jeu, mais méfie-toi quand même!

Chez nous tu n’as ni Luz
erne, ni Serpolet, mais des Trèfles, oui, et dans un coin une herbe dite “l’herbe aux Lapins”. Notre voisine, du temps où elle élevait tes frères domestiqués, venait leur en cueillir des brassées. Régale-toi, petit Lapin, et si un soir, tu pouvais, rien que pour moi, venir avec tes copains te “chauffer les pattes à un rayon de lune”, tous en rond petit patapon ... te doutes-tu qu’alors tu réaliserais un rêve d’enfant ?

Car qui ne se souvient des Lettres de mon Moulin ?

“Ce sont les Lapins qui ont été étonnés !... Depuis si longtemps qu'ils voyaient la porte du moulin fermée, les murs et la plate-forme envahis par les herbes, ils avaient fini par croire que la race des meuniers était éteinte, et, trouvant la place bonne, ils en avaient fait quelque chose comme un quartier général, un centre d'opérations stratégiques : le moulin de Jemmapes des Lapins... La nuit de mon arrivée, il y en avait bien, sans mentir, une vingtaine assis en rond sur la plate-forme, en train de se chauffer les pattes à un rayon de lune... Le temps d'entr'ouvrir une lucarne, frrt ! voilà le bivouac en déroute, et tous ces petits derrières blancs qui détalent, la queue en l'air, dans le fourré. J'espère bien qu'ils reviendront.”


Merci Monsieur Daudet.


Oryctolagus cuniculus,

au fond, ne pourrait-on t’appeler “Lapin de terrier” pour te différencier de ton malheureux frère le “Lapin de clapier” ? Eh bien non, ce serait trop simple et, peut-être, moins poétique. Lapin de garenne tu es, Lapin de garenne tu resteras.


Bien sûr, nous le savons tous (?), la garenne c’est l’HLM familiale creusée sous une haie, au bord d’un bois, dans un talus, où chacun s’est fait son terrier, un peu en désordre, mais surtout, surtout en le reliant aux autres par une galerie souterraine: maintenir le contact, c’est important pour le moral de la famille !

Mais un peu d’indépendance c’est pas mal aussi, et par beau temps, Jeannot Lapin possède souvent, en dehors de son terrier, un gîte qu’il fréquente durant la journée: touffe d’herbe ou de bruyère, taillis, buisson, tout lui est bon.

Sa façon de se nourrir est assez singulière: il doit s’y reprendre à 2 fois !!!

Pourquoi ?

Parce qu’il n’est pas capable de digérer tout seul les plantes qu’il ingère et en particulier, leur cellulose. Il est aidé en cela par de petites Bactéries qui sont logées dans son caecum... Alors, regardez le travail:

-
le Lapin se nourrit de végétaux
- ceux-ci arrivent dans son caecum où les Bactéries finissent leur digestion en les transformant en nutriments (sucres, vitamines, acides aminés).

- Il en résulte des petites crottes vert-olive, les caecotrophes, que le Lapin récupère aussitôt “pondues” pour ensuite les mâcher longuement...

- La suite est classique: les nutriments passent dans le sang au niveau de l’intestin grêle et nourrissent notre Lapin convenablement.

-
Les crottes finales, non alimentaires, (le Lapin n’est pas coprophage !) sont brun foncé.

Se nourrir n’est pas si facile, finalement, lorsque l’on naît Lapin...

Citations et proverbes...
(Curieusement, il n’y en a pas tant que ça, mais des recettes, oh oui !)

"Il est toujours avantageux de porter un titre nobiliaire. Etre "de quelque chose", ça pose un homme, comme être "de Garenne", ça pose un lapin"
(Alphonse Allais)
"Pour la carotte, le lapin est la parfaite incarnation du Mal.
"
(Robert Sheckley)

"Si une patte de lapin porte bonheur, qu'a-t-il bien pu arriver au lapin ?
"
(Jean-Loup Chiflet)

"Contrairement aux chasseurs qui, eux, ne sont pas des lapins, les pollueurs, eux, sont des ordures.
"
(Philippe Geluck)


"Avant que tu aies été lapin, j'étais déjà clapier."
(Proverbe créole)

"Le bon et franc Lapin meurt toujours dans son terrier
"
(proverbe français)

"
Mémoire de lapin, il oublie en chemin"
(Proverbe gascon)

"
Mieux vaut tenir un lapin que de poursuivre un lièvre."
(Proverbe occitan)
"Même un lapin qui grignote peut s’empiffrer à en mourir
"
(proverbe tibétain)

Poète et poésie



Les Lapins

Les petits lapins, dans le bois,
Folâtrent sur l’herbe arrosée
Et, comme nous le vin d’Arbois,
Ils boivent la douce rosée.

Gris foncé, gris clair, soupe au lait,
Ces vagabonds, dont se dégage

Comme une odeur de serpolet,

Tiennent à peu près ce langage :

Près du chêne pyramidal
Nous menons les épithalames
Et nous ne suivons pas Stendhal
Sur le terrain des vieilles dames.

Nous sommes les petits lapins,
Gens étrangers à l’écriture

Et chaussés des seuls escarpins

Que nous a donnés la Nature.


Nous sommes les petits lapins.

C’est le poil qui forme nos bottes,

Et, n’ayant pas de calepins,

Nous ne prenons jamais de notes.


Préférant les simples chansons
Qui ravissent les violettes,
Sans plus d’affaire, nous laissons
Les raffinements aux belettes.

Et dans la bonne odeur des pins

Qu’on voit ombrageant ces clairières,

Nous sommes les tendres lapins

Assis sur leurs petits derrières.


Théodore de Banville

Le Tendre Bestiaire lui laisse belle place:



“... C’est qu’il était de ceux dont les regards, les soirs d’été, dans quelque lande empourprée de bruyères, à la lisière d’une pinède assoupie, avaient pu contempler à loisir les jeux et les palabres d’une garenne sous le ciel. La ville était là, souterraine. Les tapements de pattes éveillaient, sous les aplats de sable entre les touffes, des échos caverneux, comme des tambours ensevelis. Mais toute la ville était dehors, attirée par la sérénité d’un beau soir entre les soirs.
L’air était doux, presque immobile. Une brise imperceptible soufflait parfois, nonchalamment, tout juste effleurant le poil dans un rebroussis caressant. On se croisait, on se saluait, on faisait claquer ses oreilles, on se frottait le bout du nez. Des flâneurs graves passaient, marquant des pauses, repartant, de nouveau s’arrêtant, méditatifs ou perdus dans un rêve.
Sous les basses branches d’un épicea, longues et mollement balancées, des groupes s’attiraient l’un l’autre, s’aggloméraient en foule dense, comme limaille aux branches de l’aimant. Il y avait conciliabules, mimes et discours à menus couinements, et des “mouvements divers” qui resserraient soudain les rangs, soudain les disloquaient en pirouettes, en culbutes, en prosternements cocasses. Et non moins soudainement, comme une salle qui se vide, la voûte des longues branches voyait filer sous ses panaches des bandes d’oreillards galopant, appelés vers où, vers quel plaisir nouveau ? Car cette animation était gaie, alerte, tout à la joie de vivre...”

Maurice Genevoix

Dico


LAPIN: Mammifère rongeur très prolifique, dont la race sauvage, ou lapin de garenne, creuse des terriers dans les terrains sablonneux et boisés.