samedi 22 novembre 2008

M comme Merle

Vous le voyez, en ce moment, sautiller sur la pelouse, de ci, de là, s’arrêtant brusquement, tête penchée sur le côté, l’oeil fixe... écoutant... puis d’un coup de bec rapide, attraper le Ver de terre qui a eu tort de venir voir s’il pleuvait dehors... ?

Oui, bien sûr, vous l’avez reconnu, l’Oiseau au noir plumage éclairé d’un bec d’un jaune éclatant, le remarquable chanteur familier des haies, le Merle pour tout dire.

Au printemps vous aviez essayé, rappelez-vous, de rivaliser avec lui dans ses variations somptueusement flûtées: il a bien voulu écouter votre proposition, la reprendre sans grand changement une fois, deux fois, puis s'est lancé dans une improvisation éperdue qui vous a laissé loin derrière, taiseux et un peu honteux, mais saluant l’artiste qui siffle, flûte, appelle ou babille de si talentueuse façon. Evidemment, en ce moment, c’est l’automne, et si notre ami ailé est toujours plein d’ardeur pour chercher pitance, il est devenu bien silencieux... sauf quand je m’approche un peu trop et qu’il s’envole (pas très loin) en rase-mottes tout en lâchant un crescendo irrité perçant et discordant, tout-à-fait indigne du chanteur émérite qu’ils sait être, en d’autres temps.


Turdus merula

Merle noir de son espèce, est un oiseau robuste et doué d’une grande capacité d’adaptation, ce qui lui permet de maintenir une population stable malgré ses nombreux ennemis.


L’avez-vous vu prendre son bain de soleil ? Il hérisse ses plumes, déploie queue et ailes, ouvre le bec et s’aplatit sur le sol... huuummm, quel régal!!! (Evidemment, pas en ce moment où il est plutôt sous la douche...)

D’après Monsieur de Buffon, “lorsqu’ils sont enfermés avec d’autres oiseaux plus faibles, leur inquiétude naturelle se change en pétulance; ils poursuivent, ils tourmentent continuellement leurs compagnons d’esclavage, et, de par cette raison, on ne doit pas les admettre dans les volières où l’on veut rassembler et conserver plusieurs espèces de petits oiseaux. On peut, si l’on veut, en élever à part à cause de leur chant; non pas de leur chant naturel et qui n’est guère supportable qu’en pleine campagne, mais à cause de la facilité qu’ils ont de le perfectionner, de retenir les airs qu’on leur apprend, d’imiter différents bruits, différents sons d’instruments, et même de contrefaire la voix humaine.”



Citations, dicton, proverbe et son historiette

L’inutile et le superflu sont plus indispensables à l’homme que le nécessaire. Le chant du Merle est inutile, la Rose est superflue. Le travail est nécessaire...
René Barjavel


Et qu’est-ce que c’est que ce merle-là? Un va-nu-pieds, un sans-le-sou, un couche-dehors, un crève-la-faim ?
Guy de Maupassant

Quand le Merle chante en mai, avril est fini.

Coluche
Janvier frileux - gèle la merlette sur les oeufs
dicton français

“A d’autres, dénicheur de Merles !”

Dans le recueil facétieux: l’Art de désopiler la rate - publié en 1758, on trouve, pour explication de ce proverbe, l’historiette suivante:
Un paysan s’étant accusé d’avoir rompu une haie pour aller reconnaître un nid de Merles, son confesseur lui demanda s’il avait enlevé les Merles. Non, répondit-il, ils n’étaient pas assez gros; je les laisse croître jusqu’à samedi, pour les fricasser dimanche. Le samedi, le paysan trouva la place vide... A quelques temps de là, étant retourné à confesse et s’accusant d’avoir pris quelques libertés avec une paysanne, il fut questionné à ce sujet, mais:
“A d’autres, dénicheur de Merles” ! répondit-il !

Poète et poésie
Chante Merlot !

Dans un trou de la charmille

La merlette a fait son nid.

Je vois son oeil noir qui brille

Quand je guigne son abri.

Ce matin sous la feuillette

Entendis de petits cris...

Chante, merlot, merlette !

Chante, merlerot du nid !


Ils ont emplumé leurs ailes,

Leur jabot s’est arrondi:

Pour un appétit de merles

Point n’y a de vendredi.

Grandelets et grandelettes

Ont pris leur vol tour à tour...

Chante, merlot, merlette !

Chante, merlerot du jour !


Ce matin par ma fenêtre

Le plus hardi est entré,

A flûté dessus ma tête

Cui cui maluronluré !

Que j’aimais ta chansonnette,

Messager porte-bonheur !

Chante, merlot, merlette !

Chante, merlerot du coeur !


L’enfermai à la métive

Dans une cage d’or pur.

Sous le gui de la solive

L’accrochai contre le mur.

Mais en inclinant la tête

Il a clos son doux oeil noir...

Chante, merlot, merlette !

Chante, merlerot du soir !


Lors lui ait ouvert la cage.

Vole, vole au clair du matin !

Vole aux feuilles du bocage !...

Mais n’oublie pas mon jardin.

J’entendrai de ma chambrette

Turluter ta gente voix.

Chante, merlot, merlette !

Chante, merlerot du bois !


Maurice Genevoix

(Tendre Bestiaire)



Saviez-vous que ? ;o)

Le Merle est le premier des cinq animaux totems dans la tradition druidique. Il affectionne les baies de Sorbier, l’un des arbres sacrés des druides, dont chaque fruit porte un minuscule pentagramme. Celui-ci est un symbole de protection et de puissance. Friand de ces baies, le Merle est donc capable de nous associer grâce à son chant apaisant aux pouvoirs régénérateurs de l’au-delà et de l’inconscient.
L’un des noms gaéliques du Merle, Druid Dhubh, signifie le druide noir. Si nous savons suivre son appel, il nous conduira vers un endroit profond et enchanté ou nous pourrons découvrir des secrets sur nous-mêmes et le monde.


Un vieux conte français raconte comment le Merle devint noir et pourquoi il a le bec doré.
Sur les conseils d’une Pie, un oiseau blanc est entré dans une grotte magique pour y chercher le trésor inestimable du Prince des Richesses. Passant dans une seconde grotte, l’oiseau y découvre un tas de poudre d’or. Plongeant son bec dans la poudre, il est surpris par le démon gardien du trésor qui, crachant flammes et fumée, se précipite sur lui. Réussissant à s’envoler de la grotte pour échapper aux griffes du démon, l’oiseau blanc s’aperçoit qu’il est devenu noir et que son bec est resté d’un lumineux jaune d’or.
Lux Sanctuary

DICO

MERLE: Oiseau passereau d'Europe et d'une partie de l'Asie, voisin de la grive, à plumage sombre (noir chez le mâle, brun chez la femelle)