samedi 1 novembre 2008

L comme Limace

Il pleut... mais le temps est encore doux ce qui me permet de contempler, le matin, dame Limace glissant parmi les feuilles mortes tombées de la Vigne Vierge, sur la terrasse.

Eh oui, je sais combien nos amis les jardiniers vouent ces Gastéropodes, et les Escargots leurs cousins, aux gémonies: empoisonnées, noyées à la bière, écrabouillées, ébouillantées, desséchées... elles n’ont pas la part belle dans l’imaginaire et le vécu des planteurs volontaires...


Et pourtant ! Elles sont belles!... si, si, elles sont belles, lorsqu’elle s’étirent sous la pluie, cornes en avant et pied frémissant.
Peut-être pas aussi belles que leurs cousines marines, les Aplysies, dont l’élégance le dispute à la chatoyance, mais elles me plaisent, vraiment. (Photo Science et Action)

En ce moment, chez nous, les Lépiotes élevés déploient leur chapeau, et, je vous le donne en mille: qui s’en fait des ventrées ? La Limace, qui passe, fugace et vorace...
Mais c’est dans les bois morts, sous l’écorce, que nous sommes sûrs de la rencontrer, lovée dans l’humidité bienfaisante, partageant ce havre avec un autre méconnu, le Cloporte.


Arion hortensis


ou Limace des Jardins est la plus commune. Mais sous les écorces des branches mortes, nous en rencontrons de toutes les couleurs: rouges, jaunes, noires, orangées, zébrées, grises, tigrées...


Elles redoutent toutes la sécheresse. En effet, l’eau qui constitue plus de 80% de leur masse, peut s’évaporer très facilement.

La Limace se hâte lentement: les plus douées peuvent atteindre 7,5 cm par minute, ce qui nous donne du 0,004 km à l’heure (ou peu s’en faut!)
Par contre, lorsqu’il s’agit de manger, elle est performante. Elle le fait plutôt la nuit et se nourrit surtout de plantes herbacées, mais elle peut être charognard à l’occasion, se nourrissant de cadavres animaux, y compris de ses propres congénères. Quelques Champignons, par ci, par là, complètent avec bonheur le menu de la gourmande.

Pour les plus voraces (ce qui n’est pas le cas de toutes) , on a observé qu’elles étaient capables en une nuit de dévorer jusqu’à 50% de leur masse. Un calcul a été fait par un jardinier sourcilleux de son bien, qui ressemble à un devoir de certif’:
Soit un potager dans lequel on compte 1 Limace par m2

Chaque Limace consomme environ 10 g de végétaux par nuit

Sur un mois de 30 jours elle en aura ingurgité ........ par m2

ce qui correspond à 3 tonnes à l’hectare !!!
Sûr qu’elle ne peut être aimée !!! Mais inutile de la torturer: essayez le marc de café et vous m’en direz des nouvelles: elle n’aime pas, mais alors PAS DU TOUT ce produit exotique.

Il faut quand même se souvenir que la Limace a son rôle dans l’éco-système: elle dégrade cadavres animaux et déchets végétaux, facilitant ainsi la décomposition de la matière organique qui enrichit les sols. C’est un maillon nécessaire de la chaîne alimentaire: des Insectes, des Escargots, des Oiseaux, des Hérissons, des Musaraignes, des Rats, des Crapauds, des Lézards... et bien d’autres encore s’en régalent. Alors, souvenez-vous: quand vous l’empoisonnez, vous empoisonnez à coup sûr aussi l’oiseau que vous aimez voir voler, le Hérisson timide, la Grenouille de la mare...

Question, Proverbes et Citations


Les Escargots considèrent-ils les Limaces comme des SDF ?


Autant chemine un Homme en un jour qu’une Limace en 100 ans

(Proverbe français)

Temps de Limaces et Femme fardée ne sont pas de longue durée.

(Proverbe français)


Pour te guérir des verrues
Prend une Limace dans la rue

Puis durement tu frotteras

Dans un trou tu l’enterreras

Puis autant elle pourrira
La verrue disparaîtra

(Remède de bonne fame)


J'en ai vu, dans le show-biz, ramper de si peu dignes et si peu respectables qu'ils laissaient dans leur sillage des rires de complaisance aussi visqueux que les mucosités brillantes qu'on impute aux limaces.

(Pierre Desproges)


Poème et Poésie

(plaintes d’une “sordide limace”)


Complainte d’un autre dimanche

C'était un très-au vent d'octobre paysage,
Que découpe, aujourd'hui dimanche, la fenêtre,
Avec sa jalousie en travers, hors d'usage,
Où sèche, depuis quand ! une paire de guêtres
Tachant de deux mals blancs ce glabre paysage.

Un couchant mal bâti suppurant du livide ;
Le coin d'une buanderie aux tuiles sales ;
En plein, le Val-de-Grâce, comme un qui préside ;
Cinq arbres en proie à de mesquines rafales
Qui marbrent ce ciel crû de bandages livides.

Puis les squelettes de glycines aux ficelles,
En proie à des rafales encor plus mesquines !
O lendemains de noce ! Ô bribes de dentelles !
Montrent-elles assez la corde, ces glycines
Recroquevillant leur agonie aux ficelles !

Ah ! qu'est-ce que je fais ici, dans cette chambre !
Des vers. Et puis, après ? Ô sordide limace !
Quoi ! La vie est unique, et toi, sous ce scaphandre,
Tu te racontes sans fin, et tu te ressasses !
Seras-tu donc toujours un qui garde la chambre ?

Ce fut un bien au vent d'octobre paysage...

Jules Laforgue


Brèves de Limaces

L'ECUMACE ET LA LIREUIL

Tu sais que l'écureuil et la limace ne se rencontreront pas. Il y a l'écureuil pour le cache-cache du catalpa et la limace pour la dalle de l'entrée. L'un est à couvert sous les feuilles, véloce, inventif, l'autre à découvert sur la pierre, évidente et placide. Pas du même bord ces deux-là.

Cependant, les voilà réunis dans la magie d'un regard, avec leur commune couleur de marron d'Inde, et tes mots les arrêtent dans le cours du récit.

La limace ne recevra jamais de nouvelles de l'écureuil, l'écureuil ne saura rien de la limace. Qui s'en plaint ?

Farces des sens : un pivert frappe leur histoire sur le clavier du marronnier. Toi tu écris avec un crépitement d'abeille éperdue dans les rondeurs de la lampe.
Chacun est à sa place, l'écureuil, la limace, le pivert et l'abeille.
Mais, où es-tu, toi, l'observateur en fuite, à l'heure où le lecteur s'arrête à ta question ?
Nul ne s'est connu et la vie continue.”

Yves-Jacques Bouin (extrait du livre le poème qui n'en finit pas de commencer toujours, publié aux éditions de la Renarde Rouge)


Dico

LIMACE: Mollusque Gastéropode terrestre sans coquille externe dont certaines espèces s’attaquent aux cultures.

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